BRANTLY

vu par  Philippe BOULAY

Brantly B1 Brantly B2 Brantly model 305 B2 Vu par Ph. BOULAY

     Entre deux coups d'œil à la fantastique collection du Musée de l'hélicoptère de Weston Super-Mare (Royaume Uni), les visiteurs peuvent assister aux mouvements du petit Brantly B-2B basé sur place et utilisé par Elfan Ap Rees, le maître des lieux et éditeur du magazine "Helicopter International" pour ses déplacements professionnels. Ce biplace dont le prototype a volé en 1953 fait figure d'appareil de collection. Sur les quelque 150 appareils du type immatriculés, on n’en trouve guère qu’une dizaine en Europe. Le Brantly B-2 est quasiment inconnu en Europe continentale ;  seul le n°158 a été immatriculé en France durant les années soixante. 

 

     Le prototype a fait son premier vol  aux USA le 21 février 1953, et la production des quelque 400 exemplaires de série a commencé en 1959. Malgré son look "so british", ce petit biplace est complètement américain. Il a été conçu par Newby O. BRANTLY, un ingénieur spécialiste des métiers à tisser, passionné par l'aéronautique. Sous son impulsion la société où il travaillait, la Pennsylvania Elastic Company, avait créé une division hélicoptère, laquelle avait produit en 1946 un biplace expérimental à rotors coaxiaux, le Brantly B-1. Le B-2, censé devenir une sorte de "motocyclette de l'air", s'adressait à une clientèle d'amateurs ou d'hommes d'affaires ; avec son  fuselage entièrement caréné et ses lignes aérodynamiques, il était en avance sur son époque où la structure des hélicoptères, essentiellement pour des raisons de poids, n'était généralement pas revêtue.

 

     Brantly a également conçu le model 305, un dérivé à cinq places du B-2 dont une vingtaine d'exemplaires ont été construits. Les Brantly ont failli connaître une seconde jeunesse dans les années soixante-dix grâce à un homme d'affaires, Michael K. Hynes : après avoir pris dès 1970 le contrôle de "Brantly Operators", structure technique d'après-vente du constructeur, il a fondé la société Brantly-Hynes le 1er janvier 1975, avec pour but de proposer non seulement le model 305, mais aussi un B-2 modernisé. Une initiative intéressante à laquelle, cependant, le marché n'a pas répondu favorablement ; il faut dire qu’à cette époque de très nombreux appareils réformés par les armées étaient disponibles à bas prix sur le marché de l’occasion... Cependant  la machine a  ses amateurs et défenseurs acharnés, et la société Brantly International, basée à Vernon, au Texas, continue de fournir des rechanges et produit quelques exemplaires par an.

 

      Avec un fuselage long de 6,62 m, la machine est réellement toute petite. En la découvrant on est surpris par son aspect très ramassé qui, allié à sa pureté de lignes, lui donne une allure de gros modèle réduit. Les patins d'atterrissage sont  équipés d'une suspension à grand débattement, et au décollage le Brantly, un peu pataud, a des attitudes d'échassier qui se déploie pour le vol. L'habitacle semble minuscule, mais s'avère confortable. Il est équipé d'une double commande. Le moteur est invisible de l'extérieur ; seuls les quatre conduits d'échappement trahissent sa présence, et un patient dévissage des capots est nécessaire avant de pouvoir l'examiner. Le rotor tripale est plus court de 40 cm que le bipale du R22 ; il se caractérise par la présence d'un carénage aérodynamique qui cache sur chaque pale le dispositif d'amortissement de l'articulation de traînée, déportée au tiers intérieur de l'envergure. Par contre les articulations de battement et de pas sont au moyeu. Le rotor anticouple métallique, remarquablement simple, est au sommet d'un pylône qui le dégage bien du sol et qui, en palier, place son axe de rotation pratiquement à hauteur du plan de rotation du rotor principal,.

 

 

     A l'époque de l'achat de sa machine, Elfan Ap Rees était souvent amené à tester de nouveaux appareils pour en faire le compte-rendu dans son magazine. Mais cette activité ne pouvait guère générer que quelques heures de vol  par an, et il lui fallait pouvoir s’entraîner, au coût le plus faible  possible. Or les rares moments de liberté d’un pilote très occupé par ailleurs pouvaient rarement être mis en phase avec la disponibilité des appareils de location… C’est pourquoi il a fallu se résoudre à l'acquisition d'un appareil.

 

     Le Brantly B-2B n°446, G-OAPR, construit en 1965, a été acheté au Texas en 1989. Ce fut autant le choix de la raison que celui du cœur. Selon E. Ap Rees, qui adore sa machine,  le B-2  tient la comparaison avec le Robinson R-22 ; ce dernier, beaucoup plus moderne, est l’appareil le plus proche en termes de capacité d'emport. Le B-2 est bien sûr plus bruyant que le R22, et la différence de génération est sensible sur d'autres points, mais il est nettement moins cher qu'un Robinson. L'entretien est simple, et ne pose aucun problème au Royaume Uni où les compétences nécessaires sont disponibles. Par ailleurs le Brantly est un appareil sûr, doté d'un moteur très fiable, le quadricylindre à plat Lycoming IVO-360-A1A de 134 kW. Confortable (il vibre très peu), il est agréable à piloter et offre une visibilité parfaite. Un peu moins rapide que le R22, il  dispose cependant d'une autonomie comparable, de l'ordre de 400 km avec réserve. D'autre part son rotor, placé très bas, est proche du centre de gravité ; le moment de roulis en est affecté d'autant et c'est un avantage sur le Robinson, dont le rotor est placé soixante centimètres plus haut. Le Brantly bénéficie d'ailleurs d'une excellente manoeuvrabilité. Par contre, étant donné la hauteur du rotor (à peine 2 mètres du sol...) il n'est pas possible d'embarquer ou de débarquer sans arrêter les pales : le frein rotor est sollicité systématiquement. Enfin, rappelle E. Ap Rees avec un sourire en coin, le Brantly est un "classic", une digne demoiselle qui s'accorde bien avec l'esprit du musée, et concourt à l'image d'Helicopter International, le seul magazine d'hélicoptères qui possède sa propre machine... 

 Philippe BOULAY